1996, Little Sydney.

Tu restes ici Noah. Tu ne bouges pas si je ne te le dis pas. Il hoche la tête, intimidé. La porte du petit placard se referme. Le noir envahit sa cachette. Instinctivement, il ramène ses genoux près de lui et serre contre son cœur son vieil ours. Son nez coule, mais il n'ose pas bouger et attraper son mouchoir. Il ne doit pas faire de bruit. Ne pas bouger d'ici. C'est son papa qui lui a demandé. Le silence qui règne dans la maison est oppressant. Il n'entend rien. Ni la voix rassurante de son père, ni celle de sa mère. Rien. Le néant. Son petit cœur bat à un rythme effréné. Il a peur. Des bruits de pas, l'un lourd, l'autre plus léger. Il se terre dans son coin, retenant sa respiration. La porte s'ouvre, laissant filtrer un rayon de lumière. Une petite silhouette est poussée contre lui. Sa soeur. Elle se glisse entre ses bras, le serrant à l'en étouffer. Elle a aussi peur que lui. Le visage inquiet de sa mère apparait. Elle est affolée. Apeurée. Restez ici. Ne bougez pas. Papa et moi reviendrons vous chercher. Et le noir envahit à nouveau la cachette de fortune. L'un contre l'autre, les deux enfants attendent. Ils guettent le moindre signe mais rien ne leur parvient hormis des bruits sourds venant du rez-de-chaussé. Des paroles échangées. Des sons étranges. Un cri. Plus rien. Durant quelques minutes - qui semblèrent des années - le silence envahit la maison. Puis à nouveau des bruits de pas. L'un lourd, l'autre léger. Noah avale difficilement sa salive. Effrayé. Du pied, il pousse un peu la porte du placard. Il aperçoit deux silhouettes. L'une imposante, massive, inquiétante. Elle tient par le bras sa maman, toute chétive à côté du grand homme. Il lui demande quelque chose. Elle refuse. Contre lui, sa sœur a enfuit son visage dans son pyjama. De ses petits poings, elle serre son vêtement, terrorisée. Il n'en mène pas large, mais continue de regarder la scène. Sa maman continue de nier. Elle fait non avec la tête. Elle supplie. Elle pleure. Noah veut sortir, aller l'aider. Mais il a six ans. Il fait tout juste un mètre vingt. Il n'y a personne... je vous jure... ils ne sont pas là... Une insulte. Une détonation. L'enfant ferme les yeux et enfouit son visage dans les cheveux de sa petite sœur.

Les policiers entrent dans la maison, arme au poing. On vient de leur signaler des coups de feux et des hurlements. La porte d'entrée est enfoncée. Le corps d'une femme de ménage, ensanglantée. Le rez-de-chaussé a été saccagé. Dans la cuisine, ils retrouvent le corps d'un homme. Ils en déduisent qu'il est le père de famille. Ils parcourent la maison, sécurisent la scène de crime. Le corps d'une femme à l'étage, le visage horrifié. L'un des policiers sort de la pièce, l'estomac retourné. Un autre pousse une porte, tombe sur une petit chambre décoré de dragons et remplie de jouets. C'est soudain la panique. Le lit d'enfant est défait. On a dormi dedans. Tout comme celui rose de la chambre adjacente. Ils n'ont pas retrouvé de corps d'enfants. Ils imaginent le pire des scénarios. Un enlèvement. Un double kidnapping. On s'active. On appelle le central. Les proches de la famille. Les voisins. Dans leur placard, Noah et sa petite sœur sont collés l'un contre l'autre, ils attendent leur papa. Il a dit qu'il reviendrait avec maman. Ils entendent les bruits de pas des policiers, leurs paroles, leurs inquiétudes. Mais ils ne bougent pas parce que leurs parents le leur ont interdit. Qu'importe que Noah est vu sa maman tomber sur le sol. Pour lui, elle dort. Le jeune policier regarde son supérieur. Il écoute les ordres mais son attention est détournée. La scène de crime lui semble étrange. Il aperçoit le coffre encore fermé. Le corps de la femme à l'opposé. Pourquoi ? Elle aurait du se positionner entre l'argent et les ravisseurs. Sauf si elle cachait quelque chose de plus important. De plus cher à ses yeux qu'une poignée de bijoux et de billets. Il avise la porte du meuble entrouverte. Son instinct lui hurle qu'il a raison. Alors, plantant son chef et ses ordres, il s'avance vers le meuble et pousse la porte. Ses yeux croisent ceux terrifiés des deux enfants.


Ils sont placés chez leurs grands-parents et grandissent à leurs côtés. Le meurtre de leurs parents a fait beaucoup de bruit. Mais les policiers n'ont jamais réellement réussi à découvrir ce qu'il s'était passé. On parle d'une affaire d'argent. De dettes. On les a placé durant un temps sous surveillance policière. On leur a fait suivre un psychologue durant plusieurs années afin de les aider à surmonter cette affaire. Malgré tout, Noah a toujours fait des cauchemars et revoit sans cesse le regard effrayé de sa mère. A dix ans, son grand-père décède d'un cancer. À quatorze ans, c'est au tour de sa grand-mère. Lui et sa sœur sont pris en charge par le gouvernement et envoyés dans un foyer. Ensemble. À dix-huit ans, il quitte cet endroit et demande la garde de sa sœur cadette. Il veille comme une lionne sur ses petits. Il lui interdit la plupart des choses, ne voulant pas qu'elle devienne comme lui. Un espèce de drogué détesté par la plupart des gens. Un type en manque d'affection, couchant avec n'importe qui, n'importe où sans se soucier du mal qu'il fait. Parce qu'il est conscient que son attitude est déplaisante et malsaine, ça le rend plus instable.


2013, Sunrise Paradise.

Il la pousse contre le mur et la soulève. Elle enroule ses jambes autour de sa taille, glissant ses mains dans les cheveux sombres. Elle sait qu'elle est sur le point de coucher avec Noah Carter. Le type le moins fréquentable. Ses nouvelles amies l'ont prévenu, elles lui ont gentiment expliqué qu'il se tapait la moitié de l'Université. Qu'il n'était qu'un connard imbus de sa personne. Un prétentieux dirigé par sa queue. Mais elle est nouvelle. Et si pour avoir un tant soit peu de réputation elle doit écarter les cuisses devant le tatoué, elle le fera. Lui, il est à des années lumières, planant bien loin de la Terre. Ses mains glissent sous la jupe de la fille - dont il ignore le prénom - et la soulèvent pour accéder au dernier morceau de tissus. Noah ?